La Région bruxelloise n’a pas été à la hauteur de la tâche sur les tunnels

La Région bruxelloise n’a pas été à la hauteur de la tâche sur les tunnels

 

Le ministre régional (Défi) de l’Économie sort du bois dans le dossier des tunnels. Il dénonce un « bashing qui ne sert que les intérêts politiques de certains ».  

Didier Gosuin (Défi, ex-FDF) est le ministre bruxellois de l’Économie.C’est sous cette casquette qu’il a décidé de s’exprimer dans le dossier des tunnels. Il tient à rassurer d’emblée les entreprises et les commerces : « Il y a un projet de mobilité à Bruxelles. » Mais chacun, dit-il, doit y mettre du sien.

Les tunnels de la capitale sont au centre de l’attention…

On ne va pas y aller par quatre chemins. C’est clair que, dans ce dossier, la Région bruxelloise, le gouvernement et les gouvernements et ministres successifs n’ont pas été à la hauteur de la tâche. Il n’y a pas d’ambiguïté. C’est fait, c’est clair. Il y aura une commission spéciale, peut-être d’enquête, pour faire la clarté sur les failles, au niveau du politique ou de l’administration. Je m’en réjouis.

Comment en est-on arrivé là ?

Quand je vois les plannings, je pense très sincèrement qu’il y a eu une gestion correcte du suivi des infrastructures. Beaucoup de choses ont été faites, sur plein d’aspects : la sécurité, lasignalisation… Ce qui a incontestablement échappé à la vigilance, ce sont les éléments de structure. Le fameux masterplan porte sur la sécurité, l’incendie, oui, mais pas sur la structure même des ouvrages. C’est un élément nouveau et, il faut le reconnaître, c’est ce gouvernement qui l’a mis en œuvre. Nous avons décidé d’aller plus loin que l’entretien systématique, basique, des éclairages, des pavements…

Mais le masterplan de 2013 commence en disant que 25 tunnels ont été inspectés entre 2009 et 2010 ?

Ils ont fait les éléments généraux. Nous avons voulu aller plus loin. Ce gouvernement a décidé de faire un travail en profondeur et c’est comme ça qu’on a fermé le Stéphanie. Je tiens quand même à rappeler qu’aucun caillou n’est tombé dans ce tunnel ! C’est parce qu’on est allé voir qu’on s’est rendu compte qu’il y avait un souci. À partir de là, ça s’est emballé. Donc, je dis : OK, les Bruxellois ont une responsabilité, ils n’ont pas bien géré cette compétence. Le gouvernement actuel met tout en œuvre pour agir en transparence. J’ai la conviction que c’est la volonté unanime de l’équipe.

Que s’est-il passé avec ce masterplan tombé aux oubliettes ?

Je ne me prononce pas sur le passé. J’ai entendu aujourd’hui des anciens ministres (Brigitte Grouwels, NDLR) dire qu’il n’y avait pas d’unanimité sur le sujet sous la précédente législature. On verra. Ce seront les réunions intercabinets qui le diront. J’entends maintenant Evelyne Huytebroeck (Ecolo, NDLR) dire que ça n’a pas été traité en intercabinets. Ce n’est pas vrai : ça a été vu quinze fois en intercabinets. Mais ce n’est pas grave, elle a peut-être oublié. Il y avait un blocage, on le sait. L’enquête fera la lumière. Peut-être qu’il y a eu des études de ce genre avant, et encore avant, et encore du temps des libéraux, et peut-être qu’on réalisera que ces travaux ont été faits à la va-comme-je-te-pousse au temps du fédéral, comme semblent confirmer des premières pré-études. Ceci n’excuse en rien. Je suis malheureux de ce qui se passe pour Bruxelles.

C’est sûr que l’image de Bruxelles est à nouveau écornée.

Qu’on arrête de monter ce sujet en épingle ! On est en train de nous dire que c’est l’apocalypse. Oui, cela crée des difficultés incontestables, on va devoir les gérer. Mais qu’on arrête ce bashing anti-Bruxelles ! Depuis trois mois, on a l’impression que certains s’ingénient à essayer de démontrer qu’à Bruxelles, c’est l’insécurité, le chaos sur le plan de la mobilité. Mais que chaque niveau de pouvoir gère ses compétences, assume ses responsabilités et s’assure d’être droit dans ses bottes ! Les tunnels, c’est la faute des Bruxellois. Mais les autres aussi doivent prendre leurs responsabilités. Quand j’étais jeune ministre, en 1989, on m’a dit que le RER, c’était pour 2002. Chacun doit gérer sa compétence.

Il y a des tas d’autres exemples. Luc Hennart, le président du tribunal de première instance de Bruxelles, s’est exprimé il y a peu sur le démembrement de la Justice, notamment à Bruxelles. En 1985, on a mis des échafaudages au palais de justice, ils sont toujours là. Ce n’est pas notre compétence, que chacun assume ses responsabilités.

Que chacun prenne de la hauteur et n’utilise pas la situation des tunnels – qui est réelle – pour en tirer profit politiquement ou dans une visée institutionnelle. Le MR a eu le poste ministériel des Travaux publics dans le passé. Ils ont même eu la ministre-présidence.

Arrêtons ce jeu ! Je me pose vraiment la question de savoir si tout ce qui affaiblit Bruxelles n’est pas une manière de renforcer la thèse de ceux qui, d’une manière ou d’une autre, souhaitent aller vers une autre forme institutionnelle de ce pays. Ce bashing ne sert à personne. Ni aux Bruxellois ni à la structure institutionnelle. Il ne sert que des intérêts politiques ou institutionnels, on sait que la NV-A veut la cogestion de Bruxelles.

Le MR participe à ça ?

Implicitement, parce qu’ils se disent qu’ainsi, on affaiblit Bruxelles. Et comme ils sont dans l’opposition à ce niveau, ils se disent qu’ils vont en tirer un bonus électoral.

Sous cette législature, les budgets pour la sécurité des tunnels sont passés de 15 à 30 millions par an. A-t-on vraiment pris la mesure des choses au vu des montants qui s’annoncent ?

Si c’est insuffisant, on assumera, c’est tout.

Quid du financement ?

Nous planchons uniquement sur un péage au Léopold II. On verra en fonction du modèle de financement. Qu’on arrête de dire que c’est un scandale ! C’est exactement ce qui existe à Anvers ! On ne va pas inventer quelque chose d’unique en Belgique, cela existe déjà dans la ville du meilleur ami de Charles Michel. Quel est le problème ? Parce que c’est bruxellois, on ne le ferait pas ? Geert Bourgeois dit que c’est un scandale ? Entend-on un Bruxellois dire que c’est un scandale parce qu’Anvers le pratique ? Comment ça se justifie, sur Bruxelles ? Gardons mesure. Il faut arrêter ce bashing. Le désamour pour Bruxelles, je le répète, est vraiment dû à des objectifs politiques.

(Source : article Le Soir du 30/01/2016 - ACB)

La suite de l'interview : "Bruxelles, la limite du nationaliste"