6e réforme de l’Etat : une opportunité pour l’emploi des Bruxellois ?
6e réforme de l’Etat : une opportunité pour l’emploi des Bruxellois ?
Avec la régionalisation, Bruxelles obtient de nouveaux leviers pour mener ses propres politiques de l'emploi. Mais si certaines compétences permettent de mener des actions sur mesure, d’autres se révèlent être un véritable casse-tête. Didier Gosuin : "Tout est à (re)construire. Le fédéral a détricoté les politiques en les transférant. Aujourd’hui, les Régions doivent se les approprier, créer des coopérations entre elles, tout en assurant un continuum pour les citoyens. C'est complexe mais on y travaille. Les Bruxellois devraient voir les premiers changements en 2017".
La sixième réforme de l’Etat belge contient, d’une part, un important transfert de compétences fédérales aux entités fédérées, et d’autre part une révision des divers mécanismes de financement des Communautés et Régions. Ces transferts sont à la fois des opportunités et de véritables défis pour Bruxelles. Sur le front de l'emploi notamment. Trois exemples....
- La politique des groupes-cibles
L’objectif de cette politique est de favoriser les recrutements de groupes cibles spécifiques (jeunes, personnes âgées, chômeurs de longue durée, etc.) dont les caractéristiques sont peu adaptées à une insertion aisée au sein du marché du travail. L’avantage de la 6e réforme de l'Etat est ici évident : Bruxelles va pouvoir définir les cibles prioritaires en fonction de ses propres réalités socio-économiques. Ce n'est pourtant pas aussi simple...
Didier Gosuin : "Parmi les chercheurs d’emploi à Bruxelles, 14% sont des travailleurs âgés ; mais ce groupe cible mange 38,5% de notre budget. Avec la 6e réforme de l'Etat, je pourrais théoriquement rééquilibrer cela. Mais je ne peux le faire qu'au prix de grandes lourdeurs. Je dois également tenir compte d’un facteur de résilience : il faut respecter les engagements en cours. On ne va pas dire aux entreprises qui ont engagé des travailleurs âgés qui sont encore là pour cinq ans qu’on récupère l’argent... Autrement dit, pour ce qui concerne cette politique, le transfert de compétence est en théorie intéressant, mais sur le moyen voire le long terme".
- Les stages
Didier Gosuin : "Pour que les stages de transition en entreprises profitent à un nombre plus large de jeunes et rencontrent les objectifs de la garantie pour la jeunesse, les conditions d’accès doivent être assouplies. C'est aujourd'hui possible. Mais nous sommes confrontés à un casse-tête d’ordre juridique : le Conseil d’Etat a estimé que le projet d’arrêté modifiant les conditions d’accès devait être pourvu d'un fondement juridique adéquat". Conséquence, afin de pouvoir mener à bien sa politique de stages de transition, la Région bruxelloise se voit contrainte de recréer la base légale nécessaire. "Ce qui prend du temps et ne permet pas une action rapide".
- L'accès à la profession
A l’opposé de l’harmonisation demandée par l’Europe, cette compétence a été régionalisée au 1er janvier 2015. Ce qui n'est pas sans entraîner son lot de complications : diffcile d'imaginer qu’un entrepreneur ayant obtenu son titre d’accès à la profession à Bruxelles ne puisse exercer en dehors de la région... Conséquence : Rien ne peut être opéré sans s’être assuré que les autres régions avancent au même rythme et que leurs réflexions vont dans le même sens...
Didier Gosuin : "Cela ne nous empêche pas d'avancer. Avec Joëlle Milquet et Eliane Tillieux, nous venons de résoudre un problème vieux de dix ans : dès la rentrée, il y aura, côté francophone, un seul contrat d’apprentissage, avec les mêmes conditions salariales, de congé… Avant, il y avait autant de contrats que d’écoles de formation. C’est un élément qui peut doper la formation en alternance. On l’a fait sans tambour ni trompette mais cela concerne quand même 6.700 jeunes".
Appropriation des politiques transférées, casse-tête juridiques à résoudre, coopération entre régions à mettre en place, continuité de services à garantir... "Pour les politiques de l’emploi, nous avons de nouveaux leviers importants. Mais on n’en est qu’aux balbutiements de la mutation socio-économique de Bruxelles. Il faut arrêter de faire croire qu’on peut tout changer en six mois. Cela prendra du temps".